Meurtre de l’esprit
Meurtre de l’esprit

Meurtre de l’esprit

À Catherine, Simon et Gabriel, merci pour tous ces moments passés ensemble et pour votre soutien dans mon rôle de créatrice de contenu.
J’espère vous avoir dans ma vie encore longtemps. Je vous aime.

Cette journée-là, Alexandra rentrait chez elle après quelques semaines d’absence. En effet, la jeune femme était partie à la mi-août visiter le Québec pour découvrir de nouvelles entreprises de la province. En tant qu’influenceuse, elle avait voulu visiter tous les commerces locaux qu’elle avait croisés sur la route afin d’en parler à ses abonnés. Bien entendu, elle avait acheté plusieurs produits pour les présenter à son retour. Chose certaine, Alexandra en avait beaucoup à raconter à ceux qui la suivaient sur les réseaux sociaux et à son conjoint Adrien. Aussi, lorsqu’elle était revenue, le paysage rouge des arbres devant la maison avait semblé l’accueillir. Le mois de septembre était bel et bien arrivé.

— Je suis rentrée! cria-t-elle en ouvrant la porte d’entrée.

Aucune réponse. Seul le tictac de l’horloge était perceptible. Alexandra pensa d’abord qu’Adrien était dans le jardin, ce qui expliquerait pourquoi il n’avait pas répondu. Avant de s’y rendre, la jeune femme alla porter sa valise dans la chambre. Ensuite, elle sortit dans le jardin, mais aucune trace de lui.

— Il ne peut pas être bien loin, songea-t-elle en se rappelant avoir vu sa voiture.

Alexandra ne comprenait pas. Elle avait appelé Adrien au début de la semaine pour lui annoncer qu’elle revenait aujourd’hui. Alors où était-il? Après tout ce temps, la jeune femme s’attendait à ce qu’il soit là pour l’accueillir. Toutefois, il n’était pas à la maison.

Puis, elle se dirigea dans la cuisine pour boire de l’eau, car elle se sentait étourdie. Lorsque Alexandra mit la main sur la poignée du réfrigérateur, elle aperçut une enveloppe avec son nom. Elle décida d’aller s’asseoir dans la salle à manger et de l’ouvrir. Une feuille se trouvait, sans surprise, à l’intérieur. C’était une lettre d’Adrien. La jeune femme commença à la lire et pendant ce temps, la pendule faisait encore tictac.

Chère Alexandra,

Je l’ai fait. Je me suis enfin vengé de ma mère. Tu dois te poser une tonne de questions, puisque je ne t’ai jamais parlé d’elle. Avant tout, je tiens à dire que lorsque tu liras cette lettre, je serai déjà loin et qu’il sera impossible de me contacter. Je sais que mon départ te fera mal, car j’ai déjà vécu un abandon et ça a détruit ma vie. Je vais te raconter une partie de mon enfance. Tu es la seule en qui j’ai assez confiance pour le dire. Cette situation m’a transformé.

Un soir, alors que j’étais enfant, ma mère est partie et elle n’est jamais revenue. J’étais rendu seul contre tous les dangers du monde. J’étais détruit. Plus tard, je suis devenu policier. Pourquoi? Tout simplement pour me venger de Judith Dupuis. J’ai réussi à la trouver il y a deux semaines et j’ai découvert qu’elle avait une fille de 8 ans. Je l’ai tuée. J’ai tué Emily Michaux. Tu te dis probablement qu’elle était innocente dans cette histoire. Tu as sûrement raison, pourtant, je devais me venger. Je voulais que ma mère souffre autant que j’ai souffert.

Voilà pourquoi je suis parti. Je ne voulais pas te faire de mal, mais si j’étais resté, tu aurais eu peur de moi, car je suis devenu un inconnu pour toi. En fait, j’ai toujours été un étranger sans que tu le saches. Tous mes mensonges t’ont poussée à croire que tu étais en couple avec une personne que je ne suis pas. Je ne souhaite pas te mêler à cette histoire, mais ne me dénonce pas. Garde ça pour toi. S’il te plaît.

Je t’aime Alex, n’en doute jamais.

Adrien

Alexandra se sentait trahie. Adrien, l’homme qu’elle croyait connaître par cœur et qui avait partagé sa vie pendant trois ans, avait tué une fillette et s’était enfui comme un lâche. Tictac. En aucun temps elle n’aurait imaginé qu’il pouvait faire ça. Alexandra se rendit rapidement à son bureau, alluma l’ordinateur et écrivit dans le moteur de recherche: meurtre d’Emily Michaux. Les résultats qui étaient apparus prouvaient qu’Adrien n’avait pas menti. Il avait commis un meurtre.

La jeune femme prit son téléphone et toucha le 9 puis le 1. Toutefois, elle n’appuya pas sur le dernier chiffre. Adrien l’avait suppliée de ne rien dire. Certes, il était parti, mais elle l’aimait quand même et refusait qu’il ait des problèmes à cause d’elle. Alexandra décida donc de raccrocher. Elle resterait muette comme une tombe et ne changerait pas d’idée. Tictac.

*

Quelques jours plus tard, Alexandra pensait toujours à la lettre, au meurtre et au départ d’Adrien. Ce secret la torturait plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Elle était si bouleversée qu’elle en ratait toutes ses vidéos.

Dans l’une d’elles, Alexandra avait présenté un beurre corporel qu’elle avait acheté lors de son voyage. Elle avait dit qu’il venait de la compagnie Bain en folie alors qu’en réalité, il provenait de l’entreprise Corps de rêve. La jeune femme avait par la suite reçu un grand nombre de messages qui lui indiquaient qu’elle s’était trompée. Sans prendre le temps de réfléchir, elle s’était fâchée et avait fait une story sur Instagram dans laquelle elle avait insulté les gens qui lui avaient écrit. Ça ne lui ressemblait pas. Même si elle avait toujours détesté avoir tort, jamais elle n’avait fait ça auparavant. Alexandra perdait complètement le contrôle. Tictac.

Évidemment, tout ce que la jeune anxieuse faisait apportait des conséquences dans sa vie. Alexandra recevait de moins en moins de demandes de collaboration de la part des compagnies et son nombre d’abonnés était en chute libre. Tictac. Elle était en train de tout détruire dans sa vie. Une influenceuse doit valoriser les entreprises, pas les rabaisser. Alexandra semblait l’avoir oublié. Tictac. Aussi, elle hésitait. Devait-elle faire une pause pour que tout se règle ou tout simplement fermer ses réseaux sociaux? Cependant, elle n’avait pas fait assez d’études pour se trouver un bon emploi qu’elle aimerait si elle arrêtait d’être une influenceuse.  Tictac. Cette prise de décision l’obsédait. Elle y pensait maintenant chaque jour, et plus elle y pensait, plus sa santé mentale se détériorait. Tictac. Elle ne sortait plus de chez elle de peur qu’on la juge ou qu’elle finisse par dire la vérité à propos du meurtre de la petite Michaux. Adrien était parti pour éviter de lui faire du mal, mais en la suppliant de ne rien dire, il avait fait le contraire. Alexandra n’en pouvait plus de cette pression et ne voulait qu’une chose: mettre fin à la douleur. Tictac.

*

Un jour, on cogna à la porte. Toctoc. Alexandra ne savait plus quoi faire. Devait-elle ouvrir ? Elle n’était pas sortie et n’avait pas eu de véritable conversation depuis maintenant deux semaines. Tictac. Jamais personne ne lui rendait visite, alors c’était peu probable que ce soit l’un de ses proches. Tictac.

— Et si c’était quelqu’un qui voulait se venger? Et si Adrien était de retour? pensa anxieusement Alexandra.

Dans les deux cas, de graves conséquences pouvaient se produire. Tictac. Mais d’un autre côté, si elle n’allait pas ouvrir, qui sait ce qui se passerait. On cogna de nouveau à la porte. Toctoc. Alexandra avait de plus en plus mal. Tous les bruits résonnaient comme des coups de marteau dans sa tête. Tictac. Elle n’en pouvait plus. Tictac. Alexandra s’effondra sur le sol. Son rythme cardiaque avait augmenté et la jeune femme avait de la difficulté à respirer. Tictac.

Soudain, bang! Quelqu’un venait de défoncer la porte. Mais qu’est-ce que c’est? Des hommes entraient chez elle. Tictac. Que se passait-il? Tictac. Alexandra avait l’impression que sa tête allait exploser tellement la douleur était immense. Tictac. Pourtant, dans toute cette cacophonie, elle entendit:

— Madame Alexandra Vaillancourt, vous êtes en état d’arrestation pour complicité dans le meurtre d’Emily Michaux…

Et au même moment, le bruit de l’horloge continuait en arrière-plan et aurait pu rendre fou n’importe qui. Tictac, tictac, tictac.