C’est en 1999 que Nadine Bismuth, alors au début de la vingtaine, fait paraître son premier livre1. L’année suivante, son œuvre lui fera gagner le Prix Adrienne-Choquette et le Prix des libraires du Québec2. Il s’agit d’un recueil contenant certaines nouvelles assez crues, mais nécessaires pour réfléchir aux préjugés concernant les femmes et aux relations amoureuses de n’importe quel âge. Même si 23 ans séparent l’année de publication de l’année actuelle, Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles demeure un recueil extrêmement moderne.
Née le 15 juillet 1975 à Montréal, Nadine Bismuth est la fille d’un Tunisien et d’une Québécoise3. En ce qui concerne ses études, l’auteure fera une maîtrise en littérature française à l’Université McGill4. Nadine Bismuth n’a publié que très peu depuis la parution de son premier recueil. Cela s’explique par le fait qu’elle se concentre davantage sur le monde de la télévision avec les séries Au secours de Béatrice, Un lien familial et En thérapie5. Cette dernière est une adaptation québécoise de la série israélienne Be’Tipul6.
Pour en revenir à son livre Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Nadine Bismuth traite de plusieurs sujets tout au long du recueil. Il y a tout d’abord le thème de l’infidélité qui sert à dénoncer les hommes. Dans la première nouvelle, M. Séguin trompe sa femme avec celle qui s’occupe du ménage7. Par la suite, « Fondue chinoise » contient un extrait où Jean annonce à Lise que leurs conjoints n’ont pas été fidèles. Il le lui apprend en disant qu’il y a trois mois, il a trouvé des cassettes vidéo sur lesquelles il a vu Murielle et Normand faire l’amour. Toutefois, Jean ajoute qu’il ne sait pas depuis quand ça dure8. Dans la dernière nouvelle, c’est-à-dire « Les gens fidèles ne font pas les nouvelles », Léo lit le journal et annonce à Shirley qu’un couple de blancs attendait un enfant et que la femme a finalement accouché d’un bébé noir9. Cet exemple est assez explicite. L’infidélité est donc présente à maintes reprises dans le recueil. Cependant, ce n’est pas la seule thématique qui est abordée. En effet, l’auteure dénonce certains préjugés souvent répandus contre les femmes. Il y en a au moins trois qui reviennent plusieurs fois. Le premier est que la femme ne lit que des romans d’amour. Le deuxième est que son rôle est de faire le ménage et le troisième est qu’elle ne doit pas grossir si elle veut plaire à l’homme. Cette façon de penser ne devrait plus être d’actualité. La violence sous toutes ses formes est également un thème récurrent tout au long du livre. Les multiples exemples prouvent que l’œuvre est féministe. La violence psychologique dans « Cheap love » se fait par l’ignorance de Joël. Il ne regarde plus sa conjointe et cela crée un effet d’isolement et d’humiliation chez elle: « “Je suis crevé, Caro, il faut que je dorme, mes idées doivent se reposer”, a-t-il prétexté. Je n’en revenais pas. C’est franchement humiliant de se faire repousser10. » Trois formes de violence se retrouvent également dans « Site historique ». La violence verbale est présente lorsque Mathieu dit : « Elsa, si tu te voyais, c’est débile comme tu peux être chiante. T’es tellement snobinette, t’es précieuse, t’es dédaigneuse, il n’y a jamais rien qui fait ton affaire11. » ; « Ça ne te plaît pas, petite conne, de te faire dire tes quatre vérités en face12 ? », et « T’es la fille la plus conne de la terre ! M’entends-tu13 ? » C’est évident que Mathieu se sert des insultes pour qu’Elsa se sente coupable. Pour continuer sur la violence que subit Elsa dans la nouvelle, le personnage de Peter lui fait vivre une épouvantable soirée. Il commence par lui arracher son sac et par le jeter sur le sol. Même s’il ne la frappe pas, il use tout de même de sa force pour faire peur à Elsa. C’est donc de la violence physique. Par la suite, Peter viole Elsa. Cette dernière ne peut pas s’enfuir puisqu’elle est pétrifiée. Elle se sent alors toute petite et se laisse violer:
On aurait dit que les murs et ces fichus graffitis se resserraient sur nous comme pour nous étouffer, du moins c’était mon impression, je ne crois pas que Peter l’aurait partagée parce que ses mains brusques se frayaient déjà un chemin sous mes vêtements14. (p.153)
« Site historique » n’est toutefois pas la seule nouvelle où un viol a lieu. En effet, la nouvelle « Au Jardin d’Éden » met en scène le personnage de Yux. Celle-ci se sent obligée de se déshabiller devant le patron de la taverne où elle travaille et d’avoir une relation sexuelle avec lui lorsqu’il le veut. Elle se soumet donc par peur de décevoir Lyne15. Plusieurs autres thématiques sont également présentées, mais il faut retenir que les comportements qui vont à l’encontre des femmes sont faits par des gens de tous âges. Bref, l’œuvre écrite par Nadine Bismuth et parue en 1999 passe par « nos petites faiblesses et les mensonges dont on enrobe notre quotidien », affirme le chroniqueur Christian Desmeules du journal Le Devoir16.
En somme, Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles est un recueil qui traite de thèmes comme l’infidélité, les préjugés et la violence faite envers les femmes. Cela fait du livre une œuvre féministe qui permet aux lecteurs de suivre des histoires de la vie quotidienne. Celles-ci commencent au « moment précis où le conte de fées dérape, où la belle histoire se met à fausser, où la réalité tourne en dérision nos illusions17 ».
- « France D’Amour remporte le Combat national des livres 2020 avec Un lien familial », Radio-Canada, 8 mai 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698887/combat-livres-2020-gagnante-nadine-bismuth (Consulté le 2 mars 2022).
- « Nadine Bismuth », Babelio, [s.d.], https://www.babelio.com/auteur/Nadine-Bismuth/2704 (Consulté le 2 mars 2022).
- Ibid.
- « Nadine Bismuth », Les éditions du Boréal, [s.d.], https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/nadine-bismuth-11490.html (Consulté le 2 mars 2022).
- Ibid.
- Monique ROY, « Nadine Bismuth : “Je vis par et pour l’écriture et je ne me verrais pas faire autre chose…” », Châtelaine, 10 mai 2012, https://fr.chatelaine.com/societe/entrevues/nadine-bismuth/ (Consulté le 2 mars 2022).
- Nadine BISMUTH, « Un secret bien gardé », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 11-18.
- Nadine BISMUTH, « Fondue chinoise », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 31-51.
- Nadine BISMUTH, « Les gens fidèles ne font pas les nouvelles », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 217-227.
- Nadine BISMUTH, « Cheap love », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 55-59.
- Nadine BISMUTH, « Site historique », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 129-155.
- Ibid
- Ibid
- Ibid
- Nadine BISMUTH, « Au Jardin d’Éden », Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, p. 21-28.
- Christian DESMEULES, « Nadine Bismuth, fidèle à elle-même », Le Devoir, 13 octobre 2018, https://www.ledevoir.com/lire/538885/nadine-bismuth-fidele-a-elle-meme (Consulté le 3 mars 2022).
- Nadine BISMUTH, Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal, Boréal, 2001, 227 p.