Un oiseau en cage
Un oiseau en cage

Un oiseau en cage

      Rien n’est vraiment blanc ou noir dans la vie; j’ose croire que la nuance a sa place dans toutes ses sphères, sans exception. J’ai donc décidé de mettre en scène un personnage qui vit en dehors des idées sociales, car je trouve important de donner une voix à ceux et celles qui n’adhèrent pas au même ordre d’idées que la majorité. Toute leur vie, ils ont à se battre pour maintenir leurs libertés dans un climat qui les opprime, qui les discrimine pour ce qu’ils défendent. Il est temps que le monde se remette à observer les deux côtés de la médaille, et ce, même si la versatilité n’est pas envisageable. Je ne parle pas de croire ou de se rallier à tout ce qu’on entend, mais bien d’écouter au lieu de porter un regard mauvais sans chercher à comprendre. Leur vision du monde est peut-être différente de la plupart des gens, mais je me permets de dire qu’ils ont tout de même droit au même respect que les autres. Alors, à tous les marginaux et les « asociaux » de ce monde, à tous les non-conformistes et les parias, ceci est pour vous… mais également un peu pour moi.

Lèvres soudées

Ça fait mal

Ça fait mal, mais à quoi bon

Silence éternel ou mépris universel

À quoi bon

Voix arrachée 

Censurée

Ma gorge se crispe et se tord

Ça fait encore plus mal qu’hier

Car même si je pense qu’aujourd’hui, ça ira mieux

Je reçois un coup de plus

La douleur s’amplifie, mais à quoi bon

À quoi bon souffrir

À quoi bon souffrir si les autres peuvent s’en sortirent indemnes

Les autres…

Les autres me diront de m’aimer comme je suis

Ils me diront que j’ai le droit de m’exprimer

Ils me diront que j’ai une voix

Ah, c’en est presque drôle 

Si seulement c’était vrai

Si seulement c’était réaliste

Tout ça, ce n’est qu’un prétexte

Un prétexte pour les déresponsabiliser

Pour les libérer de leur culpabilité

Le débat a cessé d’exister le jour même où le monde a arrêté de reconnaître plusieurs vérités

Et ma vérité, dans tout ça!

Elle ne vaut rien, que dalle

Mais à quoi bon, n’est-ce pas?

C’est vrai! Qui suis-je pour désobéir?

Qui suis-je pour tout remettre en question?

Qui suis-je pour contredire la technologie?

Cette même technologie qui évolue plus vite que nous

Qu’on installe dans nos vies sans chercher de réponses

Je ne suis pourtant qu’une femme révoltée, n’est-ce pas?

Je ne suis qu’une femme insensible et dure

Certains diront que cette insoumission est signe de folie

Qu’on ne peut me prendre au sérieux

Mais que je représente tout de même une menace pour l’ordre établi

Une menace!

Dites que je suis folle, que je ne pense qu’à moi

De toute façon, j’ai beau vouloir me défendre

Mon sort est déjà décidé

Je sais que peu importe ce que je dis

On trouvera quelque chose pour me faire taire, me faire peur

Au fond, je ne veux que parler

Et sentir une once d’écoute

La moindre once d’écoute

Sans qu’on me reproche mes opinions

Sans qu’on me regarde de travers 

Mais à quoi bon…

À quoi bon espérer 

À dire vrai, je suis fatiguée

Fatiguée de devoir me battre

De devoir me réveiller chaque matin 

En sachant que jamais je n’entrerai dans le cadre

Notoire cadre qui nous emprisonne, mais qui nous protège

Oui je dis « nous » 

Parce que même si ce fameux « nous » me discrimine sans cesse

Je ne suis pas l’effigie de cette étiquette qu’on me colle au front

Je ne suis pas un monstre

Et même si je souffre de xénophobie sociale à longueur de journée

Je sais que ce « nous » me blesse malgré lui

Il me blesse sans savoir qu’il me blesse

Mon cœur se serre à tous les coups, mais j’encaisse, je ferme les yeux, je retiens mes larmes

Et même si j’espère un jour me défaire de cette emprise sociale étouffante

Je fais le premier pas vers ce « nous » 

Car je sais qu’il ne le fera jamais vers moi

Car je suis consciente que, malgré tout, je demeure et demeurerai toujours 

Une marginale

Alors, je suis désolée

Désolée de ne pas atteindre tes espérances

Désolée de semer le doute sur ce qui n’a jamais été questionné

Désolée de te décevoir

Je ne peux me permettre de voir la vie comme toi

J’ai longtemps essayé, mais c’est terminé

C’est chimérique

Peu importe ce que je dis

Jamais je ne pourrai être acceptée

Jamais je ne pourrai être entendue

M’exprimer ne me sert à rien

Car je sais, au fond, que jamais je ne gagnerai

Car mes lèvres sont soudées

Ma voix arrachée 

Mais à quoi bon

Je ne suis bien qu’une femme révoltée

Je continue de vivre sans savoir où le vent me portera

Je navigue en eaux troubles

Elles me calment

Elles défilent diligemment

Les autres peuvent trouver cela angoissant ou encore même compromettant

Moi ça va

J’ai l’habitude

J’ai beau essayer de m’exprimer sur un point

J’ai beau leur donner le bénéfice du doute 

Soudain, les sourcils se froncent, la bouche se resserre

Puis les attaques surgissent

Puis les insultes

Pas un mot ne sort pour me défendre

Je ne dis rien

Je retrouve la femme taciturne d’avant

Celle que je croyais avoir jadis laissée derrière

Je ravale mes larmes

J’ai honte

Honte de moi

Jamais je ne pourrai être réellement moi-même

Je me dissocie de ma personne

Peut-être irais-je mieux après ça

Je me cache

Je me fuis

Ô Surmoi

 Comme tu m’accables

Comme tu me déçois

Ô Surmoi

Dis-moi pourquoi tu t’entêtes à me mener la vie dure

Dis-moi pourquoi je devrais agir selon ta volonté

Cette volatile et vacillante volonté

Ô Surmoi

Je t’en prie, aide-moi à comprendre

Pourquoi suis-je mise à l’écart

Parce que j’ose remettre en cause un idéal

Ô Surmoi

Ton influence me rend malade, me rend atrabilaire

Suis-je si ingrate à tes yeux pour que tu me renies

Pour que tu me lapides sans chercher à m’écouter

Pour que lorsque je regarderai ma vie sur mon lit de mort

Je verrai ma vie défiler 

Et je m’observerai en train de subir une vie plutôt que la vivre

Ô Surmoi n’as-tu aucune pitié?

N’as-tu aucun remords?

Ô Surmoi n’oublie pas

Que toute ma vie, je me battrai

Je ne suis plus sûre de rien

Ma vie ne tient qu’à un fil

J’ai mal

Terriblement mal

Je m’efforce de rester authentique envers moi-même

Mais cette tâche relève d’une force que je ne possède plus

Elle s’est liquéfiée, volatilisée

On ne m’acceptera jamais telle que je suis

On a beau me dire que je n’ai qu’à changer pour mettre fin à cet enfer

 Je ne peux pas

Ma volonté est forte, mais pas assez forte

Je n’ai plus la force de continuer

Je me suis abandonnée

La solitude m’embrasse contre mon gré

Elle se languit de moi, malgré moi

Elle m’effleure le corps

Caresses invasives 

Frissons de désespoir 

Mon être hurle, mon être gémit

Solitude

Solitude dépourvue de remords

Elle attaque ma bouche 

Se saisit de ma gorge

Elle serre, elle étouffe, elle blesse

Elle tue

Enfer chronique

Torrent immuable

Larmes de feu, larmes de vie

Larmes de vie gâchée

Oui, de vie gâchée

Car je le sais

Je vais mourir

Je vais mourir en sachant que jamais on ne m’a comprise

Que jamais on ne m’a aimée 

Je vais mourir à demi-femme 

Puisque je n’ai jamais été 

Puisque toute ma vie je me suis battue 

En vain

Car la solitude serre, étouffe, blesse 

Elle tue

Je mourrai en étant restée moi-même jusqu’au bout

Alors si tu me le permets

Je mourrai selon mes volontés

Sache que ma mort ne sera pas tienne

Mais mienne