Portrait

Séparation

C’est que j’essaie. C’est ça le pire, j’essaie. De tous les moyens que je peux. Je me fatigue, je m’épuise, je m’endette, je m’amuse, je me saoule, je m’extravertis…
Pis ça change rien. J’ai mal au cœur, mal au ventre, mal aux yeux, mal au cœur… Beaucoup. Encore. Quand même.

Je n’ai pas l’impression que,
J’ai l’impression que rien

Contour épais, intérieur vide

Sentiment de perçage avec une énorme perceuse
Dans tout mon corps

Tu comprends-tu?
Je pense pas

Caliss
Je sais pas comment trouver les mots,
Les bons mots.
Je sais pas comment écrire,
Je sais pas comment transmettre l’émotion

C’est étrange
C’est là
Mais y’a rien
Le rien est là.

J’peux pas transmettre l’absence.

OK, je t’explique

C’est que ç’a été du jour au lendemain.
Pis comment on explique ça?
Comment on explique que, du jour au lendemain, ta vie s’est dissipée?

Comment?

J’veux dire, y’a-tu une façon de l’expliquer pis de le décrire?
De créer quelque chose de beau et intelligent?

Je suis peut-être laide et conne

C’EST TELLEMENT LAID, c’est tellement tragique, c’est tellement horrible, c’est tellement destructeur, c’est tellement, c’est tellEMENT, c’est TELLEMENT, C’EST TELLEMENT

Tabarnac.

Pourquoi je veux le rendre beau?
Pourquoi je pense pouvoir le rendre beau?
Je vais pas me faire chier à rendre ça beau, ça me tue
Fa’que vivez-le avec moi. Regardez. Témoignez.

C’est laid hein?
C’est tout croche?
C’est cru?
C’est impoli peut-être?
Ben c’est ça. C’est crissement plus que ça, mais je suis pas capable de le décrire

Je suis pas capable. Je suis pas capable. Je suis pas capable.

Je suis pu capable.

Je suis pas capable de recommencer.
La douleur est entrée pour vrai. Trop loin.

Ça fait que
Ça fait que tu le ressens-tu?
Tu le ressens-tu que je veux mourir?
Je veux pas, j’ai trop peur
Mais je peux même plus en parler. Y’a pu personne.

Bérénice

Monstrueuse.

Une robe blanche en coton brodé ou en lin, difficile à définir, mais une robe blanche d’été qui rappelle le soleil qui plane sur les visages et les arbres du parc Laurier en plein mois de juin. Une légèreté qui peut faire penser à Tereza apaisée à la campagne où elle n’a plus d’adversaires, où elle n’est plus sous l’emprise de Tomas. Une légèreté sans opposant, sans lourdeur, calme.

Une femme aussi, indépendamment de tout, sans homme, si possible. Chevelure brune, simpliste, longue et délicate, amenée vers l’arrière. Les traits de son visage ont une douceur qui rappelle celle de la brise. Son cou, dénudé, montre bien les lignes droites de ses clavicules qui mènent notre regard sur ses épaules travaillées.

Une femme, donc, indépendante, portant une robe de coton brodé (ou de lin), légère.

Une belle femme portant une belle robe… Image assez subjective.

Pensez à une Vénus du Paléolithique, mais sculptez-la davantage. Enlevez ce qu’on lui trouvait d’attrayant il y a de cela vingt-cinq mille ans. Image de la femme, de la reproduction, de la chair que nous sommes (malheureusement), mais revêtue d’une robe cette fois-ci.

Bon, vous avez compris, vous avez imagé.

Voici Bérénice.

Bérénice est une adepte du nihilisme et adopte fièrement la doctrine. Elle le fait savoir à toutes et à tous. Aidée par sa robe, elle se tient la tête bien haute, comme si un fil au-dessus de sa tête déroulait et allongeait complètement sa colonne vertébrale. Sa poitrine, bien qu’étant de petite proportion, prend tout l’espace d’où elle se trouve et Bérénice peut, à l’aide de cette assurance, tuer Dieu et enlever toutes répercussions sur ses faits et gestes. Elle est libre. Une femme émancipée de la condition féminine et humaine : pas d’hommes, pas de Dieu.

Mais Bérénice est mesquine. Bérénice vient vous prendre par surprise au moment où vous vous y attendez le moins, un peu comme la surprise du Païkan de Barjavel.

Bérénice est mesquine parce que malgré sa beauté inouïe,

Bérénice m’empêche de manger. Bérénice m’empêche de me regarder. Bérénice m’empêche de m’habiller. Bérénice m’empêche de parler. Bérénice m’empêche de penser. Bérénice m’empêche de m’aimer. Bérénice m’empêche d’aimer.

Bérénice m’empêche de vivre.

Bérénice me fait croire que je devrais être belle comme elle.

Bérénice est monstrueuse, précisément parce qu’elle me fait croire que c’est moi qui le suis.

X2

Il était deux fois
Deux fois trop identiques

Parfait imparfait
Plans à la Wes Anderson
Pareil au même
Juste différents

L’inconscient peut créer des situations bien particulières. Actions remarquables rappelant l’incapacité à se dénaturer.

Nature personnelle
Intimité incomprise

La simplicité des histoires apporte l’illusoire impression que la falsification des émotions est impossible.

Horizons
Allégoriques

La relativité propre à toutes pensées porte à croire que l’unicité est à ajourner.

L’inconstance
Réconfortante

Stabilité
Inquiétante.

Interlude

J’aimerais créer, j’aimerais partager, j’aimerais imager, j’aimerais projeter,

Mon expérience.

Les attentes envers un artiste et son œuvre sont réelles. Nous avons toutes et tous, en allant au musée, en observant du théâtre, en lisant un roman, en regardant un film d’auteur, en écoutant un album ou en assistant à une performance, le souhait de voir notre regard sur la vie changé.

J’aimerais me délivrer, enfin, et mes capacités à faire de l’art ne sont peut-être pas encore assez aiguisées. J’ignore si je fais de l’art en tant que tel, mais j’ose espérer que je fais vivre des émotions à mon lecteur. Bien que cette simple caractéristique soit loin de définir l’art.

Quelque chose comme un moment de transe. La présomption que le néant nous enveloppe, l’œuvre et nous et l’œuvre et nous et l’œuvre et nous et l’œuvre et nous et.

Offrir ce que l’art m’offre, le confort singulier que je ne peux ressentir même dans les entrailles de mes couvertures lors d’une longue matinée d’hiver.








Bonne immersion.

Sous-sol

Épisode inquiétant imprévu
Déréliction physique, mais plus mentale

Cage personnelle
Enclos familial

Étonnant comment la solitude peut s’emparer de nos nerfs
De nos os
De notre chair

Compter les jours sur les murs
Attendre la mort
Écrire les dernières pensées
Et perdre toute notion du temps

Perpétuelle peur qui creuse et se loge dans l’âme
Pas nécessairement la peur de mourir
Mais la peur d’entrer en soi
La peur d’introspection

Quoique
C’est proche
C’est proche d’avoir peur de mourir et d’avoir peur de se découvrir
C’est proche d’avoir peur de l’inconnu

Cicatrices

– J’vois pas l’embryon…

C’est comme si

– As-tu fait le test de grossesse dans les toilettes?

Personne ne m’entendait

– Ok, je vais aller le vérifier.

Temps

– On va attendre l’avis du médecin.

Et que ma voix n’était pas importante

– Le test est positif, je sais.

Temps

– Ok j’le vois.

Trop de personnes étaient occupées sur mon système reproducteur pour que je comprenne

– Vous faites une grossesse ectopique. L’embryon est dans votre trompe de Fallope droite. Je vais faire venir un deuxième docteur pour être certaine.

Et trop peu étaient concentrées sur mon être pour qu’on me considère

Temps

Comme une femme

– On va contacter le CHUM, ils vont attendre votre arrivée. Ils sont habitués, on leur envoie souvent des patientes. Ben, pas souvent, mais ‘sont familiers avec la condition. Ils vont prendre soin de vous, vous allez être entre de meilleures mains qu’ici.

Et non comme une condition

Temps

– Pourquoi est-ce que vous pleurez?

Comme si j’étais un extraterrestre

– Peur de quoi?
– Peur de mourir.

D’être submergée par l’inconnu

Jaquette
Toilette
Téléphone

– Faut, y faut, y faut que tu viennes, Coco, y faut que tu reviennes.
– Qu’est-ce qui se passe?
– Je vais mourir, Coco, je vais mourir, je-
– Coco, calme-toi s’il te-
– FAUT ALLER À L’HÔPITAL!

Opération

Séparation

Épilogue

Aller mieux
Vivre
Survivre
Mais aller mieux

Nostalgie douloureuse
Bonheur douteux
Redoutable
Mais bonheur

Changement inconcevable
Amélioration interdite
Paix misérable
Renouveau hypocrite

Doute présent
Confiance possible
Futur inquiétant
Mais futur invincible

Réussite réussie
Calme imprécis
Mais
Calme choisi