Je suis une femme. J’ai des sentiments, bien sûr, mais plus particulièrement, j’ai un corps. Ma tête est recouverte de longs cheveux bruns que j’attache en chignon. Mon visage est rond et décoré de yeux bleus comme l’océan et d’une bouche en forme de cœur. J’ai aussi une taille fine et l’une de mes qualités est mon agilité. Je peux facilement faire un entrechat, un grand jeté, et même un pas de bourrée. Je suis une femme et une ballerine. J’adore danser sur un air de musique classique. Le piano et les autres instruments me libèrent. Do, ré, mi, fa, sol, la, si. Les notes légères me font faire de petits pas et les plus graves m’encouragent à exécuter des mouvements plus passionnés. Le Lac des cygnes, Casse-Noisette et autres grands classiques, je les connais tous. Lorsque je danse, je me laisse portée par mon cœur et j’y vais. Je pivote sur moi-même. Un tour. Deux tours. Trois tours. Je pourrais continuer à tourner longtemps comme ça. Je suis une femme. J’adore les vêtements qui me permettent de bouger librement. Je porte souvent des robes et des tutus de toutes les couleurs. Du mauve, du rose, du bleu, il existe tellement de couleurs différentes qui me rendent magnifique lors d’un spectacle. Avant de monter sur la scène, j’enfile mes chaussons et me maquille. Je commence par mon fond de teint, car je dois cacher ma peau blanche. Puis, je passe au fard à paupières, au crayon et au mascara. Je ne me reconnais presque plus lorsque je me regarde dans le miroir. Je suis une femme. Je monte sur l’imposante scène, je danse et incarne mon rôle à la perfection. Même si la représentation est longue, je demeure dans mon personnage. Je dois rester Clara ou encore Giselle, et ce, sans faire d’erreur. Je ne dois pas me tromper ni tomber, car sinon je ne pourrais plus danser sur les célèbres scènes. On compte sur moi puisque j’interprète souvent les plus grands rôles. Je suis un modèle et la pression est entièrement sur mes épaules. Je suis anxieuse et je pense que ma tête va exploser. Je suis une femme. Soudain, je n’y arrive plus. Je tombe et perds tous mes moyens. Non ! Qu’est-ce que j’ai fait ? La pression était trop forte. Moi qui suis une agile ballerine, je ne pouvais plus supporter cette pression. Je tombe. Mon corps est engourdi. Est-ce que je me suis blessé ? J’ai tellement mal. Le public est surpris, il n’est pas habitué à ce type d’événement lors des spectacles professionnels. Il n’y a plus de bruit dans la salle. Que se passe-t-il ? Dois-je me redresser et continuer à danser ou rester sur le sol ? Je souffre d’une manière ou d’une autre. Je pense trop. Je dois arrêter. Je n’en peux plus. Mon corps me crie de ne pas continuer. Mais je dois me relever, sinon tout sera fini. Je suis forte. Je suis bonne. Je suis capable. Je me lève et poursuis la chorégraphie. Mon corps me fait de plus en plus mal, cependant, je dois continuer. Je regarde le sol, je vois le sang couler. Mais que se passe-t-il ? Je tombe et perds connaissance. Mon corps m’a envoyé des signes de détresse. Je ne les ai pas écoutés et voilà ce que ça a donné. Mes yeux ne sont pas encore ouverts. J’entends les bips d’une machine. Où suis-je ? L’épuisement se fait sentir. Je veux dormir. La machine émet un long bip. J’étais une femme. J’étais une ballerine.